Juliette Déjoué crée des décors activables destinés à accueillir des personnes invitées à s’approprier l’espace qu’elle fabrique. Dans un foisonnement généreux et faisant écho au carnaval et aux pratiques culturelles populaires, les masques, costumes et autres objets propices au travestissement fabriqués à partir de plâtre, de mortier, de céramique ou de papier-mâché côtoient des assemblages d’éléments glanées. Mis à a la portée des personnes invités à se les approprier, ils mêlent, selon leurs emplois, des associations singulières avec de multiples réalités. Placés dans un écrin, les objets et les personnes sont tantôt difficilement distinguables de la zone qui les accueille, tantôt portés sur le devant et sur le point de s’animer.

 

Ces tableaux vivants réalisés par Juliette Déjoué résistent au temps grâce à leurs traces photographiques, archives d’un théâtre où se confondent avec espièglerie volume et peinture, premier plan et arrière-plan. Les images des scènes qui se jouent au sein des décors et qu’elle capture génèrent un trouble dans la perception d’un espace en deux ou trois dimensions. Placées à proximité des décors, ou existant indépendamment de ceux-ci, ces photographies agissent comme de possibles invitations ou inspirations pour les personnes souhaitant prendre part aux installations aux formes non figées. Le moment déterminant de la prise de vue vient marquer un temps de fête, une performance sans public laissant deviner les moments de complicités et de jeu au cours desquels Juliette Déjoué se met en retrait pour laisser chacun des participants s’abandonner à un lâcher-prise,  jouer avec son travail et générer de nouvelles histoires à partir de la multitude d’éléments laissés à leur disposition.

 

Dans un perpétuel jeu de mise en scène, de formes de perspective, de composition et de couleurs, Juliette Déjoué co-construit dans ses décors des lieux de potentialités où se déploient des narrations non-dites et aux contours flous. Dans ces zones en attente modifiables où l’excès a toute sa place, Juliette Déjoué laisse les participants devenir leurs propres personnages prenant part à la composition de manière ludique grâce au pouvoir d’évocation d’objets, envisagés comme autant de tremplins aidant à se projeter d’un univers à un autre.

 

Camille Ramanana Rahary