Etienne
Atelier : Ateliers de la Ville
1 place de Lorette
Fr-13002 Marseille
BIOGRAPHIE
Immédiatement après avoir obtenu son DNSEP à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon en 2010, Marc se dit qu’il est temps de travailler 30 heures par semaine pour gagner de l’argent afin de financer ses futurs projets et payer son loyer. Il trouve assez vite un poste de plongeur dans un petit restaurant. Il lavera des assiettes et des cocottes minutes durant huit mois. Il n’est pas passionné par ce travail mais cela lui permet de réfléchir, de cogiter pendant qu’il est à l’ouvrage. Il se répète souvent qu’il n’a pas fait des études pour en « arriver là ». En allant et en revenant du travail il écoute Booba dans son walkman, qui dit dans un morceau « J’suis pas né pour faire la plonge ». Cela amuse Marc en même temps que ça l’attriste. Il se dit qu’il rate sa vie à tenter de la gagner. En même temps, cette activité manuelle, solitaire et répétitive nourrit son esprit rêveur. Et tous les jours en rentrant du boulot il dessine, élabore des scénarios, des idées de futures oeuvres à l’aide de ses doigts fripés et attaqués par l’eau de vaisselle. Au bout de huit mois de plonge, Marc est pris en résidence chez Stephen Balkhenol, ce qui lui permettra enfin de travailler les matières autres que la vaisselle: le bois. Il enchaînera ensuite avec Astérides, Fugitif à Leipzig, Moly Sabata. Depuis qu’il a arrêté de laver des plats, il réalise des objets, des dessins, en pensant aux plats qu’il eut lavé.
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Né en 1987 à Annonay
vit et travaille à Marseille
www.etiennemarc.com
Comme tout un chacun, Marc Etienne a des passions et des hobbies.
Il y a, entre autres choses, la musique et l’univers « trap » venant des Etats-Unis, la récup’, le bricolage et la fréquentation des tutoriels d’inventions domestiques sur Youtube. De ces centres d’intérêt qu’il cultive en observateur curieux de certaines des pratiques culturelles et populaires de son temps (libre), il développe une pratique plastique et visuelle à l’avenant, alternant dessins, sculptures,assemblages et installations, en somme un art composite, dont le dénominateur commun est l’emprunt et l’agrégation de motifs propres à ces milieux d’attrait et de fascination.
Ces sources,Marc Etienne les traite soit par la représentation objective et figurée, comme il en va des « portraits » au lavis de maisons délabrées qu’il repère de Détroit jusqu’à Aix-les- Bains, soit par des mises en séquences narratives, comme pour la série de dessins de machines à mousse, ou les transpose et les synthétise par ailleurs en des assemblages de signes, parfois isolés — comme la récurrente ligne courbe, apparaissant sous plusieurs formes, du coffrage en béton jusqu’au jet couleur violet, celle du temps ralenti du « linear lean » propre à la musique trap.
Hybridées et recomposées, ces « figures » sont celles, par métonymie, de modes de vies contemporains dont les motifs choisis oscillent entre le banal, le fantasque, le populaire et le cultivé. Ainsi en va-t- il du croisement de la barbe du chanteur Rick Ross et des particularités de la sculpture de Richard Deacon, de même que de l’association de la culture des « trap houses » américaines et des « contre-constructions » de Théo Van Doesburg. Plus récemment, dans la continuité de son intérêt pour les formes vernaculaires caractéristiques de ce que l’espace de la maison produit comme éléments de décor distinctifs, Marc Etienne s’est lancé dans la réalisation sculpturale de figures d’arabesques ambivalentes, en ferronnerie mais recouvertes de terre crue séchée, symboles frêles et solitaires d’un substrat ornemental, qui, un peu plus d’un siècle après l’appel à la disparition de l’ornement, en son temps prôné par Adolf Loos, à l’aube d’un 20e siècle moderniste, semble revendiquer un label « fait-maison- fait-main ». Caractéristique en cela d’un goût ou tout le moins d’un intérêt persistant pour des techniques et des savoirs-faire mis au service de la réalisation de détails d’agrément sans valeur d’usage, ce travail relève aussi du désir de composer des formes qui s’installent en saillie des représentations des espaces de confort de la vie moderne pour le plaisir de les voir animer fébrilement l’environnement et le regard de nos usages contemporains, tantôt bricolés tantôt stéréotypés.
Ainsi, à l’instar de la pratique de Marc Etienne en particulier, ces gestes de l’art du début de 21e siècle malaxent autant les matériaux de l’artisanat et de l’art que les « représentations » que l’on peut avoir des habitudes et des habitats d’une époque, sans doute et sans drame, assurément éclectiques.
Mickaël Roy
Suivant la disposition dans laquelle il se trouve, le bernard-l’ermite accorde différentes significations à l’anémone de mer. Il lui attribue tour à tour une fonction protectrice, résidentielle, ou nutritionnelle. Marc Etienne propose des pièces qui sont à la fois bavardes et laconiques, absurdes et logiques, évidentes et floues, indécises et tranchées.. Il se plaît à ne pas en cristalliser les contours, à en changer la facture, les dimensions, la signification selon l’occurrence. Une façon peut-être pour lui de ne pas prendre de décision trop hâtive. Une constante se dégage cependant de cette «indécision choisie». C’est la posture du fan qu’il adopte et qu’il intègre à sa méthodologie. Il y a différentes manières d’être fan, différents degrés d’adoration. Marc Etienne aime à dire qu’il «s’y croit» lorsqu’il construit ses formes qu’il appelle «histoires». Tel un fan, avec sa propre économie, sa propre temporalité, il va s’appliquer à reproduire à la main des détails de l’accoutrement d’un chanteur qui lui auront plu. Une musique de film, une phrase tirée d’un morceau de rap, les courbes généreuses d’une chanteuse de rn’b vont être autant de prétextes pour lui à réaliser des formes monumentales en bois, béton ou métal que des maquettes minutieuses en baguettes ou des dessins au lavis. Ces productions portent toutes (de manière plus ou moins ostentatoire, en tout cas toujours revendiquées) les traces des gestes effectuées par l’artiste. «Des traces de temps de travail, de labeur, ou des traces de plaisir». Le bernard-l’ermite accorde à l’anémone la chance d’incarner plusieurs rôles dans son champ perceptif et dans son évolution. Marc Etienne, lui, prélève des formes qu’il charge d’un autre passé, d’un autre présent tout en leur laissant la possibilité de s’enrichir de différents évènements futurs.
Jean Colin